HomeSociétéCAPSULE 1/4 | Les enjeux du régime des sanctions de l’ONU sur Haïti

CAPSULE 1/4 | Les enjeux du régime des sanctions de l’ONU sur Haïti

CAPSULE 1/4 | Les enjeux du régime des sanctions de l’ONU sur Haïti

Des barons, fondateurs, alliés et financeurs du PHTK[1], jusque-là sanctionnés, l’anticipation américano-mexicaine mise en doute

Photo : Collage

Par Wisvel Mondélice

L’adoption par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 21 octobre 2022, de la Résolution 2653 mettant en œuvre le régime des sanctions contre des acteurs politiques et économiques haïtiens ainsi que son application anticipée par les États-Unis et le Canada charrient plusieurs préoccupations. D’une part, elles mettent en relief la prépondérance des États-Unis et leurs alliés au sein de l’organisation hémisphérique, notamment au niveau du Conseil de sécurité, et ce, malgré l’initiative des principaux rivaux (Chine et Russie). D’autre part, elles exposent le déficit, sinon l’absence de transparence et l’imposture caractérisant l’approche du Conseil de sécurité sur la situation d’Haïti.

Loin de nous l’idée de prendre parti pour des acteurs qui anéantissent le rêve du mieux-être de la population haïtienne. Leurs œuvres sont déjà trop tapageuses pour ne pas être connues de tous et de toutes. Entre autres, ils mettent en place des groupes armés partout sur le territoire, fournissent régulièrement des armes et des munitions à ces groupes et les protègent contre tout effort éventuel des autorités policières et judiciaires qui viserait à prévenir et restreindre leur possibilité d’action. Nous voudrions seulement exprimer certaines réserves sur ladite résolution et son application anticipée.

Depuis l’adoption du régime des sanctions, en vertu du Chapitre VII[2] de la Charte des Nations Unies, des mesures sont prises contre des acteurs politiques et du secteur privé des affaires en Haïti, notamment par les États-Unis et le Canada. Michel Joseph Martelly, Laurent Salvador Lamothe, Rony Célestin, Richard Lenine Hervé Fourcand, Gary Bodeau, Youri Latortue, Joseph Lambert, Jean Henry Céant, Jimmy Chérizier (Barbecue), Gilbert Bigio, Reynol Deeb, Sherif Abdallah, Romel Bell, Arnel Bélizaire et Charles Saint-Rémy figurent sur la liste jusqu’ici. Cette liste est composée de fondateurs, alliés, financeurs et anciens alliés du Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK). Détenant à la fois le pouvoir politique et économique, ces personnalités sont accusées d’être impliquées dans la détérioration des conditions de sécurité en Haïti. Les sanctions découlant de ladite résolution renferment l’interdiction de voyager, le gel des avoirs et l’embargo sur les armes ciblées.

La Résolution 2653, en prenant des mesures contre des personnes qui participent ou appuient des activités criminelles en Haïti, a aussi créé un Comité et un groupe d’experts pour assurer son application. Le Comité des sanctions a la responsabilité, entre autres, de désigner les personnes et entités visées par les mesures imposées. Il devait adresser au Conseil de sécurité, dans un délai de 60 jours, « un rapport sur ses travaux, accompagné de ses observations et recommandations, en particulier sur les moyens de renforcer l’efficacité des mesures imposées (Texte du projet de résolution S/2022/765, p. 7, Art. 19, e) ». Tous les membres de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) devaient alors attendre que ledit Comité indique, suivant l’échéance fixée, les personnes à sanctionner.

Selon les autorités canadiennes, les sanctions du Canada liées à Haïti ont été adoptées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales et la Loi sur les Nations Unies. Les 3 et 10 novembre 2022, deux règlements sont entrés en vigueur. Ce sont respectivement le Règlement sur les mesures économiques visant Haïti et le Règlement d’application de la résolution des Nations-Unies sur Haïti[3]. Les sanctions imposées en vertu du second règlement mettent en œuvre celles adoptées par le Conseil de sécurité dans la Résolution 2653, tandis qu’aucune liste du Comité des sanctions n’a été publiée, si liste il y en aurait.

Force est de constater que les États-Unis et le Canada imposent des sanctions depuis le 03 novembre 2022, soit 13 jours après l’adoption de la Résolution 2653. Cette anticipation vise-t-elle à restructurer le PHTK, ce parti qu’ils ont contribué à mettre en place et qu’ils supportent jusqu’à présent à travers Ariel Henry, le Premier ministre de facto ? Sont-ils simplement en train de régler leur compte avec des anciens collaborateurs ? Qu’est-ce qui justifie cet empressement ? Tout compte fait, la fuite en avant des deux puissances nord-américaines cache une manœuvre qui ne dit pas son nom.

NOTES

[1] Parti Haïtien Tèt Kale, officiellement formé le 16 août 2012.

[2] Le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies encadre l’action du Conseil de sécurité en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression.

[3]https://www.international.gc.ca/world-monde/international_relations-relations_internationales/sanctions/haiti.aspx?lang=fra

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roodaffair@gmail.com