HomeIdées & OpinionsAriel Henry et son gouvernement soutenus, un chef de gang distingué, le chaos haïtien(1) se perpétue

Ariel Henry et son gouvernement soutenus, un chef de gang distingué, le chaos haïtien(1) se perpétue

Ariel Henry et son gouvernement soutenus, un chef de gang distingué, le chaos haïtien(1) se perpétue

Par Wisvel Mondélice

Le peuple haïtien est en proie à de multiples calamités : escadrons de la mort, enlèvements contre rançon, viols, rareté des produits pétroliers, famine, chômage, déplacements forcés dus à la violence des gangs ; délabrement du système de la santé et de l’éducation, corruption au niveau du système judiciaire, pour ne citer que cela. Il est asphyxié. Il n’en peut plus. Confortable, le gouvernement de facto d’Ariel Henry contribue efficacement à l’aiguisement de la crise(2). Ses maitres que sont les Ambassadeurs et représentants d’organisations réunis au sein du Core Group(3) contrôlé par les États-Unis le soutiennent fidèlement. Parallèlement, un chef de gang a été distingué. À qui profite la situation atroce que vit la population haïtienne ? N’y a-t-il pas un projet en cours d’exécution ?

Territoires perdus, trophée gagné sous la complicité de l’État haïtien

Il saute aux yeux que les gangs sont de plus en plus arrogants en Haïti : ils attaquent des commissariats, tuent des policiers(4), chassent la population civile, établissent des stations de péage sur beaucoup de voies publiques… Entre l’inaction du gouvernement de facto d’Ariel Henry face à la violence des gangs et la déclaration de la ministre de la justice et de la sécurité publique, aussi ministre de la culture et de la communication, Emmelie Prophète Milcé, le 20 mars 2023, laissant entendre qu’Haïti possède des « territoires perdus », loge la complicité de ce gouvernement avec le règne de la terreur des gangs. Ainsi donc, la République d’Haïti roule à grande vitesse sur la voie de la grande criminalité organisée.

Pourquoi douter que le grand banditisme qui sévit en Haïti est l’œuvre de certains acteurs nationaux et internationaux ? À ce stade, il convient de noter qu’au début du mois d’avril 2023, YouTube [plateforme numérique de diffu-sion de vidéos] dont le siège se situe aux États-Unis, a récompensé le chef de gang Johnson André, dit Izo 5 Segond pour la large audience de ses publications. Rappelons qu’il n’y a pas longtemps, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC)(5) a affirmé, dans un rapport d’enquête, que la plupart des armes et munitions en Haïti proviennent des États-Unis. Il est vrai que Youtube allait supprimer le compte du chef de gang à la suite d’une pétition d’un groupe d’internautes, mais ses explications ne sont pas convaincantes, sachant que le chef de gang publie des contenus violents depuis un certain temps.

Ce n’est pas un hasard le fait que Youtube dont le siège se situe dans le pays fournisseur d’armes à feu et de munitions, États-Unis, récompense un chef de gang en Haïti. C’est un pays où l’accumulation de l’argent prime sur la vie humaine. Ce n’est pas un hasard non plus le fait que ce même pays appuie le gouvernement de facto d’Ariel Henry qui reste passif devant la terreur des gangs et qui considère les quartiers contrôlés par les gangs comme des « territoires perdus ». Cela signifie que le peuple haïtien est victime d’un complot. Notre misère et nos calamités ont des auteurs.

Quelles sont les sanctions prévues par la loi pour une personne chargée de garantir la sécurité publique dans un pays où des gangs organisent en toute impunité des enlèvements contre rançon, des assassinats et des incendies à longueur de journée ? Quelles sont sanctions envisagées par le peuple ? Nous assistons à une situation de complicité de l’État haïtien. La responsabilité pénale personnelle des autorités doit être établie et sanctionnée par la loi lorsque des crimes sont commis parce qu’elles n’ont ni assumé leur responsabilité ni démissionné. En ce sens, les forces sociales et politiques conséquentes en Haïti doivent lutter pour la conquête de nouvelles lois. En ce qui concerne les institutions publiques créées pour servir les citoyennes et les citoyens, le principe selon lequel « la responsabilité pénale est personnelle » ne doit pas servir de couverture pour protéger des dirigeant.e.s insouciant.e.s. Voilà une voie possible pour empêcher que des irresponsables continuent à diriger le pays.

Des stratégies pour conforter la crise

Entre-temps, la communauté internationale dominante en Haïti ne se fait aucun souci de la situation dans le pays. Elle n’encourage ni ne formule aucune proposition réelle en faveur d’une sortie à la crise que vit le pays. Il y a seulement lieu de noter des réunions dites spéciales sans résultats concrets, des sanctions(6) sans poursuite, de multiples expéditions d’émissaires, des annonces d’envoi de forces militaires contestées par beaucoup d’organisations politiques et sociales et, récemment, l’annonce d’une possible nomination, par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, d’un.e expert.e indépendant.e chargé.e d’examiner la situation dans le pays. Evidemment, ladite communauté internationale n’a pas intérêt à ce qu’une issue soit trouvée à la crise haïtienne, étant donné qu’elle mette en place et entretienne fort bien des mécanismes devant l’alimenter : les gangs et le gouvernement d’Ariel Henry. Le début de la terreur des gangs remonte en effet à 2018, avec le massacre de La Saline. Cette terreur s’est intensifiée en 2020, avec la création du G9 en famille et alliés et les enlèvements contre rançon. Elle est consolidée sous ce gouvernement.

De plus, force est de constater un large fossé entre les initiatives de la communauté internationale impérialiste dans d’autres pays en crise et celles entreprises en Haïti. Dans certains cas, en Ukraine, par exemple, la diligence de beaucoup de pays et d’organisations, dont les États-Unis, la France et le Canada, prouvent qu’il y a urgence d’agir, tandis que dans le cas d’Haïti, ils se montrent plutôt à l’aise.

Dans ce contexte, pour tenter de redorer leur blason, certains pays inventent des programmes dits humanitaires. On peut légitimement se demander s’il y a quelque chose de vraiment humanitaire dans ces programmes, attendu que, dans le cas des États-Unis, les procédés concernent strictement les ressortissant.es du Nicaragua, de Cuba, du Venezuela et d’Haïti(7), des États avec lesquels ils ont des relations historiques plutôt controversées. Il y a lieu de penser que ces programmes cachent une certaine malice. Au-delà de la présence de la République d’Haïti dans cette liste, les autres font partie des États qui, jusqu’ici, résistent aux dispositions impérialistes des États-Uniens dans le monde. Au lieu d’admettre leurs responsabilités dans les souffrances des populations concernées, les États-Unis occultent les causes structurelles socio-économiques et politiques dont ils sont les artisans(8) en prenant des initiatives qui n’ont pas la vertu de contribuer à des solutions durables(9).

S’agissant de la crise haïtienne, l’effort effectué par des organisations et acteurs locaux en vue d’une solution est chahuté par la communauté internationale impérialiste qui, dans son approche de la situation, entrave toute possibilité de trouver ladite solution. Elle parle d’une solution haïtienne qu’elle ne souhaite pas en réalité. Si tel était le cas, elle aurait encouragé l’initiative prise par plusieurs organisations et acteurs haïtiens.

Conclusion et perspective

Dans cette situation, la population haïtienne est doublement victime. Premièrement, elle souffre de la terreur des gangs qui amplifie sa condition de vie précaire : elle ne jouit pas de son plein droit de circulation, elle ne peut pas s’occuper de ses activités lui garantissant le « pain quotidien », elle est privée d’un bon nombre de produits et de services qui deviennent inaccessibles, elle subit un traumatisme permanent dû au risque d’être atteinte par une « balle perdue » ou aux enlèvements contre rançon… Deuxièmement, face à la prolifération et l’arrogance des gangs, ne pouvant pas se mobiliser, elle est presque contrainte d’accepter cette situation pénible. Les gangs représentent alors un instrument de dissuasion contre le mouvement populaire haïtien. Il appert que la misère de la population haïtienne est profitable au gouvernement de facto d’Ariel Henry et à ses alliés internes et externes. Un projet est donc en cours d’exécution. Face à ce chaos structuré dans le pays, l’action et surtout l’inventivité des citoyens et citoyennes voulant un changement social profond s’imposent.

NOTES.-

1- Nous entendons par chaos haïtien, cet embrouillement de la situation sociopolitique et économique du pays assuré par et au profit de certains acteurs nationaux et internationaux.

2- Ce gouvernement garde le pouvoir illégalement et sans aucune légitimité populaire; il a installé, le 6 février 2023, avec les fonds publiques, un « Haut Conseil de la Transition (HCT) avec les missions de révision de la Constitution, de renforcement du système judiciaire et de formation du Conseil électoral provisoire ; il a nommé des juges à la Cour de Cassation le 28 février 2023 ; il est sur le point de mettre en place un soit-disant Conseil électoral provisoire (CEP).

3- Il est composé des Ambassadeurs d’Allemagne, du Brésil, du Canada, d’Espagne, des États-Unis d’Amérique, de France, de l’Union Européenne, du Représentant spécial de l’Organisation des États Américains et de la Représen-tante spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies.

4- Selon un tweet du Syndicat national des policiers haïtiens (SYNAPOHA), le 9 avril 2023, 21 policiers sont assassinés de janvier à début avril 2023.

5- Voir Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (2023), Les marchés criminels d’Haïti : cartographie des tendances en matière d’armes à feu et le trafic de drogue, https://www.unodc.org/…/toc/Haiti_assessment_UNODC.pdf.

6- Il importe de veiller à ce que lesdites sanctions ne soient pas utilisées contre des acteurs qui défendent les intérêts de la nation haïtienne.

7- Voir : Nouvelle procédure d’entrer aux États-Unis pour les ressortissants de Cuba, d’Haïti, du Nicaragua et du Venezuela, https://help.unhcr.org/brazil/fr/chnv/.

8- Les difficultés auxquelles sont confrontés ces pays sont les expressions de beaucoup d’évènements dont les États-Unis sont les auteurs : décisions néocoloniales imposées, occupation militaire, embargo…

9- Une étude sur la mise en place du programme « humanitaire » de l’Administration de Joe Biden s’avère nécessaire afin de comprendre l’immensité de ses conséquences sur les populations ciblées.

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roodaffair@gmail.com